La pratique en émergence du pair à pair vise à créer
de la valeur en commun. Selon Michel Bauwens[1], qui est un des leaders de ce mouvement, cette pratique se fait par le biais de réseaux distribués, un modèle différent de celui des réseaux de type centralisé hiérarchiques ou décentralisés de type démocratiques. Entre le réseau décentralisé, issu de l’évolution de la démocratie, et le réseau distribué, actuellement émergent, il existe une distinction importante. Pour expliquer cette distinction, Bauwens utilise l’exemple du réseau aérien. Si vous voulez aller, par exemple, de la Nouvelle Orléans à Minneapolis, vous devez passer par le centre aérien d'Atlanta. En tant que voyageur, vous n’êtes pas libre. Par contre avec la voiture, vous pouvez aller de mille et une façons de la Nouvelle Orléans à Minneapolis. En tant que voyageur, vous êtes libres de choisir votre route. Ainsi, dans le RÉSEAU DISTRIBUÉ, les personnes sont libres d'établir des relations entre elles sans coercition visible même si on y retrouve d'autres formes de pouvoir. Il n'y a PAS DE CENTRE, PAS DE PATRON, PAS DE STRUCTURE EMPÊCHANT DE CRÉER LIBREMENT DES LIENS ET D'ENTREPRENDRE DES ACTIONS. Dans ce type de réseau, on parle de pratiques humaines émergentes débutant par l’initiative d’un groupe de personnes qui veulent faire ensemble une chose qui leur parait nécessaire et qui se donnent la possibilité de décider entre elles de la manière de le faire[2].
La
production entre pairs, tout comme la gouvernance entre pairs et le système de
protection des biens ainsi produits[3],
deviennent des pratiques de plus en plus importantes. On parle de processus
sociaux émergents ayant comme caractéristiques : (1) Un mode de production
qui n’est ni étatique, ni capitaliste, (2) Un mode de gouvernance qui n’est ni
étatique, ni privé, et (3) Un mode de propriété qui n’est ni public, ni privé. Dans
ce mode de production, plutôt que de produire de la valeur d’échange, on
produit directement de la valeur d’usage. Il n'y a pas de marché car, par
cette pratique, nous créons de l'abondance. Les coûts de reproduction sont
pratiquement nuls. Il n'y a pas de bureaucratie, pas de propriété privée. De
plus, dans la production entre pairs, on ne juge pas la personne par son
diplôme, les gens s'auto sélectionnent, la validation de la qualité se fait par
les pairs sans qu’il y ait une instance séparée de contrôle. Dans le système
social actuel, la connaissance est encore plus ou moins privée par le fait que
certaines personnes en ont le monopole par le biais d’un diplôme leur
attribuant un droit de pratique professionnelle plus ou moins étendu, ce droit
étant validé par des institutions. Avec la production entre pairs, il n’y a
plus ce type d’accréditation ce qui constitue un important changement. Un autre
changement étant au niveau de la transparence par un accès libre à
l’information.
Cette démocratisation de
la connaissance, qui se
transmet par les pairs, requiert deux
conditions pour pouvoir vivre soit: L’ABONDANCE et LA DISTRIBUTION. Le
monde immatériel est par essence abondant. Il n’y a pas de coûts de
reproduction. Il y a abondance d'intellect. Le principal outil de production
est l'ordinateur, un moyen de plus en plus accessible à tous. On produit donc à
partir de chez soi et on distribue de la même manière. Le lien subjectif qui se
crée entre les personnes provient de la réciprocité (aussi appelée économie du don) par la création d’un commun
où chacun contribue par ses capacités et selon sa volonté et où chacun peut
utiliser la production selon ses besoins.
[2] Michel Bauwens est belge et vit actuellement en Thaïlande. Une de ses activités consiste à organiser des séminaires pour le monde des affaires. Il a fondé la P2P Fondation.
[3] On parle ici des licences GPL (General Public Licence) permettant d’employer du savoir commun à condition de produire aussi du savoir commun avec ce que l’on a reçu gratuitement.
Références
École des
communs : Évènement organisé en novembre 2012 par Communautique
(Monique Chartrand) et Remix biens communs (Alain Ambrosi), en collaboration
avec l'UQÀM. « Le P2P, la culture libre et
le mouvement mondial des communs » (conférence de M. Bauwens) et « de
pair à pair » (conversation avec
M. Bauwens).Vers une civilisation
de pairs :Conférence de Michel Bauwens à Limoges (Cercle Gramsci). Transcrit par
Christophe Soulié, ce texte est une introduction aux idées de la P2P
Foundation.
Voir aussi
Michel Bauwens conférence de Berlin, 1 et 2 novembre 2010
(3) Le pair à pair (P2P) : Point de vue politique et économique
(4) La dynamique relationnelle du pair à pair (P2P)
Il y aurait peut-être des liens à faire avec le retour de l'idée de communs, comme le font d'autres auteurs : https://yannickrumpala.wordpress.com/2013/06/24/sur-le-retour-de-lidee-de-communs-et-ses-possibles-applications/
RépondreSupprimer